La motivation et l’engagement

QUE POUVONS-NOUS RETENIR SUR LA MOTIVATION SCOLAIRE ?

Plusieurs études démontrent un lien fort entre la persévérance scolaire et la motivation. Bouffard, entre autres, postule que le sentiment d’efficacité personnelle, qui est l’une des dimensions de la motivation, est l’un des déterminants les plus importants du rendement et de la persévérance scolaire.[1]

↑ sentiment d’efficacité personnelle = ↑ motivation = ↑ rendement et persévérance scolaire

Le sentiment d’efficacité personnelle se définit par la « perception qu’un élève a de la valeur de l’activité à accomplir, de sa compétence à la réussir et du contrôle qu’il a en l’accomplissant. »[2]

Plusieurs études montrent que certains facteurs contribuent au sentiment d’efficacité, dont :

  • « Plus un jeune avance en âge, plus son sentiment d’efficacité personnelle diminue. »[3]
  • La transition du primaire vers le secondaire est un moment charnière qui marque un déclin important dans la motivation des jeunes.[4]
  • Les pratiques parentales, comme le fait d’avoir des exigences élevées mais réalistes, jouent aussi un rôle important dans le maintien de leur sentiment d’efficacité et par, le fait même, de leur motivation.[5]

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QUE POUVONS-NOUS PENSER DES IMPACTS POSSIBLES DE LA CRISE SANITAIRE SUR LA MOTIVATION DES JEUNES ?

Le spécialiste de l’éducation en temps de crise, Olivier Arvisais*, a souligné différents impacts sur le parcours scolaire des jeunes lors d’interruptions des services éducatifs en temps de crise humanitaire et il trace certains parallèles avec la situation que vit que le Québec présentement :

  • « On sait, par exemple, que les arrêts prolongés dans le parcours scolaire représentent un problème pour certains élèves qui sont en difficulté d’apprentissage ou bénéficient de moins grandes ressources. »[6]
  • « On constate des baisses dans les résultats scolaires, dans la motivation et l’intérêt des élèves. Ça a été bien mesuré. »[7]
  • « On constate aussi que ça affecte la persévérance scolaire, il y a davantage d’absentéisme et de décrochage pour les élèves à risque. »[8]

Les recherches de Jean-Michel Robichaud offrent également un regard nous permettant de mieux comprendre la relation entre les pressions environnementales (par exemple, les effets stressants de la crise du COVID-19), les pratiques parentales dites « contrôlantes » et la motivation des enfants face aux apprentissages scolaires.[9]  

  • Ainsi, une proportion de parents testés face à une situation stressante avait tendance à développer des comportements éducatifs plus stricts (imposer des méthodes de travail, donner des rétroactions teintées de jugements négatifs, être moins empathiques).
  • De plus, les enfants de ce groupe rapportaient une motivation sous-optimale (faire le test par peur d’être punis, par exemple).

Le chercheur avance donc : « [qu’]il est plausible de penser que la menace que pose la pandémie de COVID-19, conjuguée au confinement, entraîne une pression chez les parents susceptible de miner leur patience et de les inciter, malgré eux, à avoir recours à plus de pratiques sous-optimales. »[10]

POURQUOI LA SITUATION AUTOUR DE LA MOTIVATION SCOLAIRE DES JEUNES EST-ELLE PRÉOCCUPANTE ? 

La motivation est liée au phénomène d’anticipation : « C’est la perception des événements futurs qui est source de motivation et de régulation du comportement. On a plus de chance de réussir si on croit qu’on peut réussir. »[11] Dans le contexte actuel en mouvance constante, alors que les jeunes ne savent pas quand l’école reprendra ni dans quelles conditions, il est fort probable que le grand défi généralisé d’anticipation affecte leur motivation scolaire, et par le fait même, leur sentiment d’efficacité.

LE SENTIMENT D’EFFICACITÉ PERSONNELLE

Le sentiment d’efficacité personnelle qui est déterminant pour la motivation risque d’être affecté pour certains. En effet, le contexte actuel peut faire varier grandement la valeur accordée aux activités scolaires, le sentiment de compétence des enfants, des adolescents et des jeunes adultes à les réaliser et le niveau de contrôle ressenti lors de l’accomplissement.

Parmi les préoccupations soulevées, signalons :

  • Comme les enfants de niveau primaire ne sont plus obligés de suivre un cursus académique ou de répondre à des exigences précises (réaliser des travaux, se présenter en classe, etc.) pour terminer l’année scolaire en cours, quelle valeur sera accordée aux activités scolaires par les jeunes ? Qu’en sera-t-il au début de l’année prochaine ?
  • Pour les adolescents dont les écoles ne rouvriront pas avant septembre et qui seront pendant de nombreux mois scolarisés hors des murs d’un établissement scolaire, les impacts sur la valeur accordée aux activités scolaires seront-ils plus importants ? La motivation à réaliser un cursus en ligne recommandé sera-t-elle affectée ? Pour les jeunes qui ont de faibles résultats, pour qui la difficulté à s’auto-motiver a souvent été soulignée, quels impacts ces suivis à distance auront-ils?
  • Passer l’année relèvera du jugement de l’enseignant à la suite d’une année scolaire tronquée de près du tiers sans examens finaux. « Il est primordial que les parents et les intervenants qui œuvrent auprès des jeunes croient que ceux-ci ont tout le potentiel pour réussir. » [12]Certains jeunes peuvent également être découragés et ressentir de l’injustice face à la décision finale de l’enseignant. D’autres seront peut-être agréablement surpris de passer au grade supérieur. Il est fort possible que cela affecte à court terme le sentiment de contrôle sur le verdict final et possiblement aussi le sentiment d’efficacité.
  • Plusieurs jeunes adultes doivent réaliser des travaux à distance pour réussir dans les programmes de formation générale aux adultes ou de formation professionnelle. Cela représente un tout autre contexte d’apprentissage limitant les repères que peuvent représenter les cours et les échanges avec les pairs et les enseignants, ce qui risque de réduire leur sentiment d’efficacité et leur motivation.

LE RÔLE DES PARENTS

Le comportement des parents a des effets importants sur la motivation et l’engagement des jeunes et des enfants envers l’école.[13] Il n‘est pas évident pour tous de maintenir un climat positif de soutien dans cette équation, étant pris eux-mêmes avec une panoplie d’émotions et bien des incertitudes.

Les enfants ont actuellement besoin d’être accompagnés de façon plus intensive par leurs parents pour réaliser les travaux académiques suggérés à distance en période de confinement. Les parents pour qui cette transition est plus difficile pourraient ne pas être en mesure d’assumer pleinement ce nouveau rôle qui semble demandé. Cela pourrait avoir comme effet de réduire aux yeux de leur enfant la valeur accordée à l’éducation et, ultimement, d’influencer négativement leur motivation envers les études.

De surcroit, tous les parents devront gérer tôt ou tard le retour à l’école.  Les écoles et les enseignants devront prendre des décisions déterminantes pour orchestrer cette étape. Ils devront travailler dans une situation complexe avec de nombreuses contraintes sanitaires à faire respecter pour rencontrer les exigences du gouvernement. Cela peut générer des peurs et des insatisfactions chez les parents, dont la perception à l’égard de l’école et des enseignants joue un rôle important dans la motivation des enfants et des jeunes.

LES DÉFIS À LA MOTIVATION

Plusieurs stratégies utilisées à l’école pour motiver les enfants, les jeunes ainsi que les jeunes adultes et ainsi les amener à s’impliquer dans ce milieu de vie, risquent d’être difficiles à mettre en place au retour.

Concernant plus spécifiquement les jeunes qui devront vivre la transition du primaire vers le secondaire, il est possible que plusieurs des anticipations positives ne se concrétisent pas telles qu’espérées. Comment se faire de nouveaux amis en maintenant la distanciation sociale ? Comment développer une plus grande autonomie en devant respecter de nombreuses règles sanitaires ? Comment favoriser la participation à des activités parascolaires dans un tel contexte ?

Ainsi, la diversité des adultes significatifs et la variété d’activités extrascolaires pourraient être réduites, surtout que les modalités d’accès aux services de garde et aux écoles primaires lors de leur réouverture ne permettent pas actuellement aux visiteurs d’y entrer[14]. Dans ce contexte, comment les organismes communautaires seront-ils en mesure d’offrir leur programmation habituelle et les services de leurs intervenants ?

DES EFFETS POSITIFS ?

Des partenaires discutent de certains effets positifs envisageables de la pandémie sur le sentiment d’efficacité et la motivation des jeunes qui en découle, notamment :

  • Des parents qui s’investissent davantage dans les travaux de leurs enfants et de leurs adolescents (valeur accordée aux activités) ;
  • Des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qui gagnent de l’autonomie (sentiment de compétence) ;
  • Des jeunes qui se découvrent de nouvelles habiletés et qui développent des initiatives personnelles créatives (sentiment de contrôle).

Des études sont attendues prochainement sur la motivation des adolescents en contexte de confinement. Cet article pourrait être mis à jour dans les prochaines semaines.

*Olivier Arvisais est spécialiste de l’éducation en temps de crise et coprésident scientifique de la Chaire UNESCO de développement curriculaire de l’Université du Québec à Montréal.

Merci à Mme Isabelle Archambault, professeure agrégée à l’Université de Montréal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’école, le bien-être et la réussite éducative des enfants et cotitulaire de Myriagone – Chaire McConnell-Université de Montréal en mobilisation des connaissances jeunesse, pour sa contribution à la révision de l’article sur le déterminant « motivation et engagement ».

RÉFÉRENCES SUR LA MOTIVATION ET L’ENGAGEMENT

[1] Réunir Réussir, Pour agir efficacement sur les déterminants de la persévérance scolaire et de la réussite éducative, fiche 10 : Motivation et engagement, 2013.
[2] Réunir Réussir, Pour agir efficacement sur les déterminants de la persévérance scolaire et de la réussite éducative, fiche 10 : Motivation et engagement, 2013.
[3] Réunir Réussir, Pour agir efficacement sur les déterminants de la persévérance scolaire et de la réussite éducative, fiche 10 : Motivation et engagement, 2013.
[4] Marie-Ève Lacroix et Pierre Potvin, 2014, La motivation scolaire, http://rire.ctreq.qc.ca/wp-content/uploads/2014/06/La-motivation-scolaire.pdf  
[5] Réunir Réussir, Pour agir efficacement sur les déterminants de la persévérance scolaire et de la réussite éducative, fiche 10 : Motivation et engagement, 2013.

[6] Marie-Ève Morasse, “La crise risque d’exacerber les différences entre les élèves”, La Presse, 10 avril 2020, https://www.lapresse.ca/covid-19/202004/09/01-5268806-la-crise-risque-dexacerber-les-differences-entre-les-eleves.php
[7] Ibid.

[8] Ibid.
[9] Martin Lasalle, ”Vous avez moins de patience que d’habitude avec vos enfants ? C’est normal !”, Forum En 5 secondes, 4 mai 2020, https://nouvelles.umontreal.ca/article/2020/05/04/vous-avez-moins-de-patience-que-d-habitude-avec-vos-enfants-c-est-normal/
[10] Ibid.
[11] Réunir Réussir, Pour agir efficacement sur les déterminants de la persévérance scolaire et de la réussite éducative, fiche 10 : Motivation et engagement, 2013.
[12] Réunir Réussir, Pour agir efficacement sur les déterminants de la persévérance scolaire et de la réussite éducative, fiche 10 : Motivation et engagement, 2013.
[13] Réunir Réussir, Pour agir efficacement sur les déterminants de la persévérance scolaire et de la réussite éducative, fiche 10 : Motivation et engagement, 2013.
[14] Gouvernement du Québec, Questions et réponses sur l’éducation et la famille dans le contexte de la COVID-19, dernière mise à jour 7 mai 2020, https://www.quebec.ca/sante/problemes-de-sante/a-z/coronavirus-2019/reponses-questions-coronavirus-covid19/questions-reponses-education-famille-covid-19/