La valorisation de l’éducation et l’engagement parental

QUE POUVONS-NOUS RETENIR SUR LA VALORISATION DE L’ÉDUCATION ET L’ENGAGEMENT PARENTAL ?

VALORISATION DE L’ÉDUCATION

Un certain nombre d’études mettent de l’avant le lien entre la valeur accordée à l’école par les parents et la réussite des jeunes.

Ainsi, une étude québécoise menée par Collerette et Pelletier a permis d’identifier que les dispositions péjoratives de certains parents face à l’éducation pouvaient influencer négativement la persévérance scolaire de leurs enfants.[1]

Différents éléments peuvent faire varier la perception de l’éducation : ainsi, on peut accorder une grande valeur à l’éducation et à la diplomation, mais considérer négativement le rôle de l’école et le travail du personnel y œuvrant.

ENGAGEMENT PARENTAL

Les recherches tendent aussi à souligner l’importance de l’engagement des parents dans le parcours scolaire de leurs enfants. La présence ou non des parents influencerait plusieurs composantes : les résultats scolaires, le sentiment de bien-être, l’assiduité, les habiletés autorégulatrices, les aspirations scolaires, la motivation etc.[2]

Les études sur la question soulignent différentes attitudes et comportements qui démontrent un engagement, dont celles-ci :

  • Montrer des attitudes positives d’encouragement et d’accompagnement
  • Démontrer une attitude positive à l’égard de l’éducation, de l’école et des tâches scolaires
  • Devenir un modèle à l’égard de la lecture ou de l’engagement communautaire à l’école
  • Le rôle du parent irait donc plus loin que celui d’accompagner ses enfants dans la réalisation des devoirs et de veiller à l’assiduité scolaire de ces derniers.
  • Bien que plus du ¾des élèves lavallois du secondaire disent recevoir un soutien élevé de leur famille[3], quelques autres éléments sont aussi à retenir quant au soutien familial.
  • Pour le Québec : la proportion d’élèves ayant un niveau élevé de supervision parentale diminue avec les années de scolarisation. Elle passe de 49 % en 1re secondaire à 31 % en secondaire 5 (EQSJS).[4]

 [En savoir plus sur la valorisation de l’éducation et engagement parental]

QUE POUVONS-NOUS PENSER DES IMPACTS POSSIBLES DE LA CRISE SANITAIRE SUR LA VALORISATION DE L’ÉDUCATION ET L’ENGAGEMENT PARENTAL ?

Même si une variété d’impacts pourrait être soulignée, pour les fins de l’exercice actuel, deux angles ont été privilégiés : le cadre de vie et la santé mentale.

LE CADRE DE VIE

Les mesures sanitaires mises de l’avant par le gouvernement, dont le confinement et la fermeture des écoles, a débouché sur le développement de nouvelles mesures de conciliation travail-famille tout comme un réaménagement de l’organisation familiale.

Selon un sondage CROP réalisé du 17 au 20 avril au profit de la Fondation Jasmin Roy et Sophie Desmarais[5], une majorité de personnes interrogées a vécu des changements par rapport à ses conditions de travail, que ce soit concernant :

  • La poursuite ou la terminaison de leur contrat de travail : 32 % ont perdu un emploi de façon temporaire ou définitive.
  • Le nombre d’heures de travail : 19 % ont vu ce nombre diminué et 7 %, augmenté.
  • Le lieu de travail : 42 % font du télétravail et il s’agit d’une nouvelle réalité pour ce groupe. 7 % des répondants travaillaient aussi auparavant en télétravail.
  • Outre le travail, il convient en temps de crise et de confinement d’observer aussi l’organisation de la sphère familiale et la charge mentale que cela impose. Selon l’Institut de la statique du Québec, déjà en 2015, les femmes consacraient plus de temps aux activités domestiques (3 heures 46 minutes par jour versus 2 heures 38 minutes pour les hommes).[6] Cependant, la charge mentale inclut aussi le travail d’organisation, de planification et de gestion du quotidien, tâches qui reviennent généralement aux femmes.[7]

LA SANTÉ MENTALE

Le sondage CROP cité précédemment a permis de souligner le fait que 68 % des personnes interrogées notaient une détérioration de leur état de santé mentale.[8]

Avec la situation actuelle, soulevant un flot important d’inquiétudes et d’imprévisibilité, de nombreux questionnements sont soulevés autour de l’éducation, que ce soit les conditions de retour en classe ou d’apprentissage en ligne, la motivation ou la santé mentale des jeunes, de la part des parents qui peuvent influencer le soutien à leurs enfants  La question du retour en classe a suscité beaucoup de questionnements puisque, à la fin d’avril, 67 % se disaient anxieux face à un potentiel retour (sondage CROP). [8]

Une autre préoccupation concerne la diplomation ou le décrochage, d’autant plus qu’actuellement les élèves du secondaire ne reprendront leur cursus scolaire qu’à l’automne.

Déjà en 2013, selon un sondage Léger, 38 % des parents craignent que leur enfant ne termine pas ses études secondaires.[9]

De plus, il ne faut pas oublier que pour certains jeunes, plus vulnérables, la diplomation est déjà en temps ”normal” un enjeu majeur. Par exemple, les EHDAA dont le taux de diplomation est de 56,2 % en 7 ans et de 36, 4 % en 5 ans.[10]

POURQUOI LA SITUATION EST-ELLE PRÉOCCUPANTE ?

LA DISPONIBILITÉ DES PARENTS À L’ÉGARD DE L’ENGAGEMENT SCOLAIRE

Les nouvelles réalités entourant la conciliation travail-famille-vie personnelle varient d’une famille à l’autre, voire même d’un parent à l’autre au sein d’une même famille. Pour certains, elles seront sources d’amélioration des conditions de vie, pour d’autres la conciliation sera plus ardue.

Il importe de noter que certaines des nouvelles réalités à concilier ne dépendent pas uniquement de la volonté des individus, mais aussi de contextes extérieurs (le milieu de travail, par exemple).

Il est possible qu’une conciliation difficile des nouvelles réalités et des obligations professionnelles et familiales affecte la disponibilité physique et mentale des parents ainsi que leur degré d’engagement dans le cheminement scolaire de leur enfant.

De plus, l’augmentation de l’anxiété chez ces derniers, peu importe la source, est susceptible d’ajouter une fragilité dans la capacité de gérer la nouvelle situation. Mentionnons que la situation de certains parents était déjà précaire avant la crise, dans une sphère ou l’autre de leur vie.

Une éventuelle diminution de l’engagement parental (induite par le contexte) qui se poursuivrait à moyen terme pourrait aussi être perçue par certains enfants comme une diminution de l’importance de l’éducation au sein de la cellule familiale.

À l’opposé, la disponibilité nouvelle de certains parents en temps de crise pourrait permettre un réinvestissement ou un engagement accru dans le processus de scolarisation de leur enfant.

Outre la disponibilité physique, mentale et émotive nécessaire à l’engagement parental, d’autres aspects pourraient affecter ce déterminant en période de crise sanitaire :

La perte des repères et l’incertitude

Bien que les grands principes connus sur l’engagement parental demeurent les mêmes en tout temps, il est possible que la façon dont chaque parent les met en œuvre pourrait devoir changer (routine des devoirs, routine du lever pour se rendre en classe, etc.). Les aspects changeants et exceptionnels des réalités scolaires actuelles ainsi que l’incertitude liée à ce que sera « l’école » en automne prochain peut rendre difficile la concrétisation de ce que sera l’engagement et le rôle parental dans un nouveau quotidien.

La durée des changements et ceux à venir

Les mesures pour faire face à la crise devant durer des mois, on comprend que certains changements liés à la réalité des parents risquent de devenir une composante du quotidien. De plus, d’autres ajustements sont à prévoir dans l’avenir. La possibilité de concilier les besoins et les obligations de la vie individuelle, familiale et professionnelle sur le moyen et long terme est donc possiblement encore amenée à changer.

La situation des parents de jeunes à besoins particuliers

La routine étant importante dans la vie de certains de ces enfants, la sensibilité aux changements et aux imprévus souvent plus importante, la vision du monde légèrement différenciée par moment, il est tout à fait plausible de penser que l’acclimatation au nouveau quotidien pourrait également demander une énergie particulière de la part des parents.

Il ne faut pas oublier que le travail de parents de jeunes à besoins particuliers est souvent double puisqu’il implique le même travail d’accompagnement que tous parents exercent avec leur enfant, de façon générale comme dans leurs suivis scolaires, auquel s’ajoute un rôle supplémentaire d’encadrement pour répondre aux besoins développementaux de leur enfant. À ceci s’ajoute, pour certains, la diminution d’accès à des services externes (écoles, centre de répit) et à domicile (respect des mesures sanitaires).

Le nombre, l’âge, les besoins d’accompagnement et la ‘nature’ des enfants

Chaque réalité familiale (être une famille nombreuse, avoir des enfants en bas âge, avoir des enfants avec diagnostics, etc.) renvoie à des éléments particuliers sur le plan de l’engagement parental. Ces éléments influent sur la demande d’énergie liée à l’engagement.

La situation actuelle bouleversant les habiletés des parents à jongler avec les différents éléments de la réalité familiale, cela pourrait affecter le niveau de perception de compétence du parent comme accompagnateur.

RÉFÉRENCES SUR LA VALORISATION DE L’ÉDUCATION ET L’ENGAGEMENT PARENTAL

[1] Daniel Pelletier et Pierre Collerette, Étude comparative des dispositions des parents de 8 commissions scolaires et du lien avec la persévérance scolaire des élèves, Université du Québec en Outaouais, Consortium Outaouais de recherche sur la persévérance scolaire et la réussite scolaires, 2013. Disponible en ligne : < https://tableeducationoutaouais.org/wp-content/uploads/2016/11/%C3%AAtude-comparative-des-dispositions-des-parents-de-8-CS-vs-perseverance-scolaire.pdf >
[2] Asdih, 2012; Deslandes, 2009; Deslandes et Jacques, 2004; Grolnick et al., 1997, 2000; Henderson et Mapp, 2002; Izzo et al., 1999; Ladner, 2006  cité par Serge Larivée, « L’engagement des parents : rôles, attentes et enjeux », Conférence du Réseau Réussite Montréal, 27 octobre 2014. Disponible en ligne : <https://www.reseaureussitemontreal.ca/wp-content/uploads/2015/08/Lariv%C3%A9e_R%C3%A9seau-R%C3%A9ussite-Montr%C3%A9al_Oct2014_vFIN.pdf>.
[3] ] Centre intégré de santé et services sociaux de Laval, Direction de santé publique, Principaux résultats pour la région de Laval de l’Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire 2016-2017. P.10
[4] EQSJS, 2016-2017, tome 2. Disponible en ligne :<https://www.eqsjs.stat.gouv.qc.ca/>.
[5] Sondage CROP : La santé mentale des Québecois à l’heure de la COVID-19, au profit de la Fondation Jasmin Roy et Sophie Desmarais, réalisé entre le 17 et 20 avril 2020. Disponible en ligne : <https://fondationjasminroy.com/initiative/sondage-crop-56-des-parents-declarent-que-letat-psychologique-et-emotionnel-de-leurs-enfants-sest-deteriore-depuis-le-debut-de-la-pandemie/ >. 
[6] Valérie Simard, Partager le poids de la charge mentale, La Presse, 4 octobre 2019. Disponible en ligne : <https://www.lapresse.ca/societe/famille/201910/03/01-5243997-partager-le-poids-de-la-charge-mentale.php >. 
[7] Monique Haicault a travaillé sur le concept de charge mentale (Monique Haicault, « La Gestion ordinaire de la vie en deux », Sociologie du travail, vol. 26 « Travail des femmes et famille », no 3,‎ juillet-août-septembre 1984, p. 268-27.).
[8] Sondage CROP : La santé mentale des Québecois à l’heure de la COVID-19, au profit de la Fondation Jasmin Roy et Sophie Desmarais, réalisé entre le 17 et 20 avril 2020. Disponible en ligne : <https://fondationjasminroy.com/initiative/sondage-crop-56-des-parents-declarent-que-letat-psychologique-et-emotionnel-de-leurs-enfants-sest-deteriore-depuis-le-debut-de-la-pandemie/ >. 
[9] Sondage Léger à la demande de la Fondation Chagnon, La valorisation de l’éducation, réalisé du 12 septembre au 4 octobre 2013. Disponible en ligne : <https://fondationchagnon.org/la-fondation/publications/sondage-valorisation-de-l-education/>.
[10] MEES, TSE, DGSEG, DIS, Taux de diplomation par cohorte au secondaire – Édition 2019.  <http://www.education.gouv.qc.ca/references/indicateurs-et-statistiques/indicateurs/taux-de-diplomation-et-de-qualification-par-cohorte-de-nouveaux-inscrits-au-secondaire >.